De manière cyclique, le sujet revient animer les pages du Forum: les multiples ICO peuplant cette année 2018 ne seraient dans leur immense majorité, que prétexte à
diverses escroqueries et détournements. Dans le meilleur des cas, l'opération une fois aboutie, ne donnerait naissance qu'à un éniéme "
shitcoin", venant engorger un peu plus un marché déjà ultra-saturé avec ses presque 2000 "jetons utilitaires" dont les fonctions et perspectives semblent parfois bien floues.
S'affrontent ainsi deux positions inconciliables entre ceux qui - quoique convaincus par la techno sous-jacente de la blockchain - sont certains que tout cela ne constitue qu'une
énorme et grotesque bulle spéculative, et les autres qui considèrent qu'on assiste à la
naissance d'un marché réel, marqué par de nombreuses erreurs de jeunesse.
Comme souvent, la réalité des choses se trouve quelque part entre ces 2 pôles et il est certain que seule la relecture de ces lignes dans quelques années permettra de trancher dans un sens ou dans l'autre!
En attendant, faute de compétences en matière de divination, contentons nous de la ténacité des faits.
Je vais séparer ce post en 2 partie histoire d'alléger un peu l'ensemble qui servira surement de matériau de base à un article par ailleurs.
- 1. Nous allons commencer ici par enfoncer quelques portes ouvertes concernant les fondamentaux du secteur, ce qu'est une ICO et les raisons de leur nombre actuel. On tentera un ersatz de classification
- 2. Dans un post distinct, on passera en revue la grille de lecture permettant d'éviter au mieux de tomber dans une authentique ICO scam. Très franchement, ce sujet a déjà été abordé de manière très correcte par d'autres membres avant moi, mais le forum français étant ce qu'il est...
A l'occasion, on fera un peu de Droit et on tentera de répondre à cette lancinante question:
"j'ai fait la promotion d'un projet SCAM, diantre! cela fait-il de moi un scammeur ?"
Définitions, sources et tutti quanti:
ICO (Initial Coin Offering): "Emission Initiale de Pièces". En terme monétaire, voire numismatique, il s'agit de l'émission (la "frappe") d'une monnaie digitale.
le produit de cette émission porte des noms divers (jetons, tokens, coin, cryptomonnaies) et peut être de différentes natures d'un point de vue fiscal/légal, au gré de sa fonction et de sa finalité.
Un article qui vous en apprendra un peu plus sur cette catégorisation:
https://www.ethereum-france.com/qu-est-ce-qu-une-cryptomonnaie-token-bitcoin-ether-gnt-gno-dgd-plu-rep-rlc/En France, un consensus officiel existe maintenant sur l'intitulé de
"crypto-actif"L'ICO n'est rien de plus qu'une
levée de fonds afin de lancer une entreprise, quel que soit la nature de cette entreprise d'ailleurs, ce qui n'est pas étranger aux problèmes actuels évoqués un peu plus bas.
NOMBRE D'ICO: les sources recoupées et fiables manquent dans ce secteur bouillonnant et décentralisé....Cependant, en croisant les chiffres des annuaires et sites de classement d'ICO (dont la prolifération, elle aussi, mériterait qu'on s'y arrête!) et les éléments disponible sur bitcointalk, on peut considérer qu'entre 250 et 300 nouvelles ICO sont lancées chaque mois.
Autrement dit, en 2018, une nouvelle ICO est lancée toutes les 3 heures!CAMPAGNE BOUNTY: période durant laquelle la structure derrière l'ICO délègue à sa communauté le soin, en échange de tokens, d'assurer sa promotion, principalement via les réseaux sociaux.
Les campagnes Bounty ont également des composantes plus structurelles comme la traduction en plusieurs langues de leurs White Paper/matériel marketing, voire la refonte de leur site web (constaté aujourd'hui encore)
Posé comme ça cela peux sembler anodin mais la systématisation du procédé à déjà "disrupté" au moins un secteur qui n'avait rien vu venir: la com' et le marketing!
Sur ce sujet, je vous renvoie à ce brillant article:
https://journalducoin.com/blockchain/blockchain-a-disrupte-com-marketing/
SCAM: aka "arnaque, escroquerie". Viendrait de l'opération stup' BSCAM du FBI dans les années 80. Par usage, le concept est associé au monde d'Internet et était plus particulièrement lié aux arnaques dites "à la nigériane" des années 2000.
Aujourd'hui, le terme est beaucoup employé concernant les cryptomonnaies en général et les ICO en particulier, au regard des turbulences que connait le secteur.
SHITCOIN: (aka "monnaie de mer..", Bitconnect, USD) un token généré sur du vent, n'ayant aucune fonction autre que de prendre de l'espace sur une blockchain
ICO ET SCAM: encore une fois, les sources sont peu nombreuses et reposent sur des données fluctuantes.
On évoque régulièrement l'étude de
Satis Group LLC qui estime le taux de scam à
80% pour l'année 2017...(
https://news.bitcoin.com/80-of-icos-are-scams-only-8-reach-an-exchange/)
Pour arriver à ce résultat, la structure se base cependant sur le "sentiment communautaire", notamment recueillis sur bitcointalk.
Le site bitcoin.com estime le ratio à
53%Enfin, un travail du MIT "Initial Coin Offerings and the Value of Crypto Tokens" (Christian Catalini et Joshua S. Gans) estime qu'
entre 5 et 25% des ICO se révélent finalement des arnaques.
Quoi qu'il en soit, le problème du SCAM en matière d'ICO est un sujet réel et sa résolution sera d'ailleurs probablement une des conditions à la normalisation du secteur.
* * *
INITIAL COIN OFFERING, LE BON, LA BRUTE ET LE SCAMMEUR
On l'a compris, une ICO est la technique "so 2018" pour lever rapidement et de manière quasi-miraculeuse des sommes parfois ahurissantes sur un projet dont ne sont parfois disponible qu'un White Paper approximatif et un site web monté en un 1 week-end (vous savez, celui qui tient sur une page unique, qui commence par une décompte et une jauge d’avancement d'ICO et se termine sur quelques photos de la sympathique équipe sur fond de motifs de chaines moléculaires..).
C'est forcément manichéen mais en matière d'ICO je discerne notamment 3 cas de figure:
- le crypto-projet authentique dont la blockchain représente l'alpha et l'omega (le Bon, donc)
- L'entreprise traditionnelle opportuniste (la Brute)
- L'authentique escroquerie (le Scammeur)
1 - L'authentique crypto-projetGénéralement constituée de membres "pionniers" du bitcoin et de la blockchain, c'est clairement
l'ICO dont la sincérité est la moins contestable. Pour les sociétés de ce type, la blockchain ne représente pas qu'un moyen mais une finalité est le symbole d'un changement de paradigme, technologique et économique bien-sur mais surtout sociétal.
Il arrive d'ailleurs que les structures se passent carrément d'ICO, et distribuent directement les tokens via airdrop (exemple récente:
Hydro et en ce moment
Fulcrum)
Idéalement, seuls ces projets devraient recevoir un soutien authentiquement communautaire (c'est à dire pas celui d'un communauté créée de toute pièce par le biais des incitation d'un campagne Bounty et récompensée à ce titre);
Ma conviction personnelle est qu'avec leur base solide et les convictions qui les anime, ces projets traverseront les perturbations actuelles et pourront faire la différence à l'échelle de la décennie à venir. S'il n'avait pas eu le parcours qu'on sait, un
Vitalik Buterin serait dans une structure de ce type (et ses récentes déclarations navrées sur ce que les start-up font d'Ethereum actuellement le confirme je pense -
https://journalducoin.com/altcoins/vitalik-buterin-fondateur-dethereum-menace-dabandonner-communaute-nevolue/).
2. Les opportunistesIl s'agit d'entreprises (des start-up souvent mais également parfois des sociétés très "traditionnelles"). Elle ont vu de la lumière et sont rentré.
Elle ont encore du mal à se remettre du constat: elles pourraient obtenir de quoi se financer rapidement, et plutôt que de s'endetter auprès d'une banque, des milliers de particuliers sont prêts à leur apporter leurs fonds en échange de .....tokens!
1 ou 2 conseillers blockchain pour faire sérieux, un peu de budget marketing et on fait rentrer au forceps de la blockchain et des tokens dans n'importe quoi, de toute façon, ça disruptera non?
Exemple: et bien, 50-70 % des ICO actuelles, des tokens adossés à des matières premières/précieuse, à un produit industriel, une supply chain, n'importe quel structure de service....
Pour ces gens là, la Blockchain, c'est un peu le tableur excel des années 2000: il y aura toujours moyen de résoudre une absence de problème en s'en servant..
Les escrocsOn arrive dans le cœur du sujet.
Commençons par une mauvaise nouvelle: contrairement aux pionniers et aux opportunistes, le projet de l'escroc vous donnera envie de lui donner vos précieuses cryptos, là, tout de suite.
L'énergie que mettent des entrepreneurs honnêtes dans leur projet (et le temps que parfois ils ne peuvent pas dépenser en marketing), les escrocs la consacre exclusivement à un unique objectif: vous convaincre "d'investir", si possible de gros montants, avant de fermer boutique.
Comment pourrait-il en être autrement? nous évoquons un phénomène qui brasse des milliards de $, sans autorité de régulation, sans moyens de recours judiciaire (vous avez déjà entamé des poursuites aux îles vierges britanniques vous?), et où pris par une espèce de fièvre de l'or délirante des milliers d'individus envoient sans retenue ETH, BTC et autres valeurs SANS LA MOINDRE GARANTIE.
Allégoriquement, c'est comme jeter une pièce dans une fontaine et attendre patiemment un retour sur investissement..
Ce constat mériterait à lui seul un papier mais cette espèce de frénésie est intéressante et un peu flippante à analyser, entre peur de manquer "encore" une opportunité en or (
"j'ai raté le dot com, j'ai raté le bitcoin, ça suffit!"), raz le bol du système actuel et frisson de la loterie..
Quoi qu'il en soit, cette improbable combinaison n'a pas échappé aux escrocs qui sont à la curée actuellement.
Facteur aggravant, de multiples sous-catégories existent: un projet peut tout à fait être
complètement legit, jusqu'au départ précipité du CEO ou du Directeur technique en charge des wallets...les victimes ne sont alors plus seulement les investisseurs mais également les professionnels à qui on souhaite bonne chance pour retravailler dans le secteur.
Une bonne nouvelle cependant: hors bandit de haut vol (bisou Madoff), monter un projet authentiquement scam et résistant à l'analyse à l'aire de l'ultra-information est quasi mission impossible!
Sans rentrer dans des investigations sans fin, il est ainsi possible d'appliquer une grille d'évaluation qui limitera (sans l'éliminer totalement cependant) les risques de fraudes, ce sera l'objet de la Partie 2.