Vu les fortunes qui se sont faites récemment grâce au bitcoin et altcoins, vu le nombre d'investisseurs qui cherchent activement de nouveaux projets pour y réinvestir leurs profits, je m’étonne que la plateforme (altcoins) de trading "parfaite" càd ergonomique, facile a prendre en main et surtout avec un service client irréprochable n'ait pas encore vu le jour.
Quand ça arrivera et j'ai aucun doute la dessus, les Bittrex, Poloniex et consorts n'auront que leurs yeux pour pleurer.
Il faut aussi réaliser la complexité de la tâche. Attention, je ne cherche pas à décharger les plateformes en question de leurs responsabilités, apporter un peu d'éclairage sur le sujet.
Construire une plateforme de trading c'est quoi ? Globalement c'est :
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- Construire un moteur de traitement de requêtes efficace. On ne parle pas ici d'une simple base mySQL ou MongoDB avec quelques millions de lignes. On parle ici d'un système de traitement, réparti sur plusieurs machines, qui doivent se coordonner et avoir la capacité à engranger des milliers d'ordres à la seconde, avec une synchronisation entre chaque machine traitant les requêtes pour garder une cohérence entre les mouvements enregistrés par les machines. Ca implique également du coup une stratégie de déploiement d'infrastructure conséquente avec des devops à la hauteur de la tâche.
Un moteur de ce type là, ca ne se pond pas en un jour. Et une fois que l'on a un moteur taillé pour une certaine scalabilité, selon comment le processus de suivi, de qualité, la documentation réalisée en interne ont été réalisé, ca peut être plus ou moins compliqué de dépasser certains jalons.
Prenons le cas de Kraken. Kraken est une des plateformes les plus connues mais également les plus anciennes. Quand Kraken à commencé, ils ont probablement créée un moteur d'API et de traitement des requêtes taillé pour être capable d'emmagasiner un volume maximum de données préalablement établi, pensant avoir de la marge de manoeuvre pour le jour où ils devraient scaler pour encaisser des volumétries plus grandes.
Pour précision, il convient de garder en tête qu'on parle de requêtage humain mais également automatisé. Vu la quantité de robots qui doivent se connecter et leur capacité à émettre du volume, avec la croissance actuel ca doit être franchement conséquent.
Kraken n'avait peut-être tout simplement pas anticipé une croissance de la demande aussi rapide. Le résultat c'est qu'ils ont probablement un moteur de traitement de requête qui atteint ses limites actuellement en terme de capacité.
Deux réponses que l'on voit souvent à cela c'est :
- "Ils n'ont qu'à changer !" : Ben oui, mais changer un moteur dans un écosystème IT n'est pas forcément quelque chose de simple et de rapide. On ne change pas une pièce de moteur en 2-2, c'est le travail d'une équipe complète, qui va passer par un processus qui est censé apporter une qualité et un suivi à ce remplacement. Cela veut dire de multiples intervenants, chacun avec sa propre problématique à gérer ( specs, developpements, tests, infra, suivi qualitatif, doc, maintenance ) .
- "Ils n'ont qu'a rajouter des serveurs" : Aussi, mais encore une fois, ce n'est pas qu'une question de rajouter des serveurs. En fonction d'une architecture et d'un écosystème IT que vous aurez déployé, arrivé à une certaine taille vous pourrez rajouter autant de serveurs que vous voudrez, votre ensemble ne pourra avoir des gains de performance qu'à la marge. De même, si vous disposez d'une architecture avec des pièces complexes, si l'équipe ou la personne qui etai(en)t à l'origine de cette partie là ne sont plus sur le sujet ( partis vers d'autres horizons par exemple ) le remplacement des personnes peut être non seulement compliqué ( compétences spécialisées précises ) mais également prendre du temps ( montée en compétence sur le sujet en question, la prise de connaissance peut prendre des mois parfois ).
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En ce qui concerne l'interface, c'est un peu pareil. Il faut du monde, qu'ils prennent connaissance de ce qui a été fait, de comment ça marche, et si lors du développement de ce qui a été mis en place la documentation n'a pas été bien faite, ca peut être un point de ralentissement conséquent.
Dans le cas de plateformes d'échanges il y a 2 publics à viser :
- Madame cryptomichu, qui n'y connait pas grand chose mais voudrait bien acheter du bitcoin et de "l'ethium" (
) et qui a donc besoin d'une interface légère, simple et intuitive
- Jean-Michel forencrypto qui lui passe ses journées à passer des ordres, a besoin de voir des graphiques dans tous les sens, a besoin d'outils particulièrement poussés, capable de rendre en temps réel toute une série d'indicateurs.
Ce sont deux démarches d'UX très différentes, chacun avec son lot de problématiques : pour la première une réflexion de design graphique poussée, l'autre une nécéssité d'embarquer beaucoup de fonctionnalité en limitant la consommation de ressources côté client ( navigateur ).
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En ce qui concerne les processus de KYC, ca peut également être un sujet épineux. je releverais 3 points :
- L'arrivée des régulateurs s'est faite cette année, et les plateformes pensaient peut-être disposer de plus de temps pour pouvoir mettre en place ces processus. Du coup, la tête dans le guidon, ils n'ont pas anticipé qu'il faudrait développer cet aspect et se sont focalisé sur d'autres choses.
- On a pas envie que nos informations personnelles sensibles de ce type arrivent dans les mains de n'importe qui. Il faut sécuriser le process et les outils. Que ce soit fait de façon interne ou externe. En interne il faut convenir de la façon dont ce sera fait et étudier comment limiter au maximum la fuite potentiel d'informations, trouver les personnes que l'on estime viable pour faire le job et en qui on peut avoir confiance. En externe c'est un peu pareil, il faut trouver le bon partenaire, vérifier sa réputation, sa viabilité, s'assurer que les données qui lui seront transmises ne fuiteront pas, et que si jamais ca arrivait, il y aurait des mécanismes de responsabilité mis en place ( par les contrats ). On est donc loin ici de l'embauche d'une personne pour tenir une caisse de supermarché.
- Il y a également la prise en compte du cadre régulatoire, qui fait intervenir des juristes, des avocats...etc, et pareil, ce boulot là ne se fait pas en un jour.
De surcroit, il faut souvent faire tenir tout cela dans le cadre d'un plan d'investissement et de business development. Mettre en place un package complet de ce type là peut coûter cher, et si à l'étude préalable, qui elle aussi peut prendre du temps, on se rend compte que ca va bouffer la marge nette de l'entreprise des 3 prochaines années, il peut être décidé que ce sera fait de façon ventilée, et tant pis pour l'image. Il ne faut pas oublier qu'une partie de ces entreprises ont des investisseurs qui les regardent de près et attendent un ROI certain. Pareil, peut être que certaines de ces entreprises ne disposent pas des fonds nécéssaires. Du coup il faut alors emprunter, et ca aussi c'est pas forcément une sinécure.
Ajoutons à cela le facteur humain interne, à savoir les éventuels turn-over de ressources humaines, les conflits et enjeux internes ( #macarriere ) et on commence à avoir une bonne idée de l'ensemble des embuches que ces plateformes peuvent rencontrer.
N'oublions pas que ces plateformes sont jeunes pour la plupart, qu'elles vivotent dans un environnement extrêmement dynamique, avec des attentes élevées, et où pour elles le jeu peut s'arrêter quasiment du jour au lendemain si elles ne prennent pas les précautions nécéssaires.
J'entends parfois une incompréhension par rapport au fait que les exchanges traditionnels eux arrivent à tenir sans problème. Sauf que les exchanges traditionnels eux ont une existence bien plus longue, une expérience et un savoir qu'ils ont eu le temps d'accumuler depuis belle lurette et qu'ils ont eu le temps de cadrer l'intégralité des processus, des connaissances et des besoins matériels et immatériels nécéssaires pour offrir une certaine stabilité.
les exchanges crypto y viendront, patience.
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Note 1 : Certaines entreprises peuvent acheter des outils auprès d'autres entreprises. Ca a été le cas de kraken avec cryptowatch. Ici pareil, ca ne s'intègre pas en 2-2. Il faut avant l'achat auditer l'outil pour vérifier ce que l'on achète, puis incorporer tout le savoir nécéssaire, constituer une équipe eventuellement autour de l'outil pour pouvoir l'intégrer dans le nouvel écosystème.
Note 2 : Je réitère concernant le fait que je ne cherche pas à dédouaner complètement les exchanges. Il s'agit ici d'apporter une vision sur ce que comporte la création et l'évolution d'outils ayant des besoins industriels. Je suis le premier à souffrir des lacunes de certaines plateformes, et ca me fait rager autant que vous, néanmoins quand je pense à ce qui se joue derrière, je me dis que ca doit pas être très reposant et ça, on a souvent tendance à l'oublier.