Excellent texte. Merci pour ce lien.
Je note plusieurs propos qui recoupent ce qui a déjà été dit sur ce fil.
sur les statistiques:
« Ceux qui parlent le plus fort d’ " humanisme ", ceux qui critiquent la pensée libérale moderne soi-disant pour son excès " d’économisme ", sont en réalité des gens qui, sans le savoir, réfléchissent à partir de modèles de représentation extrêmement pauvres où l’homme se trouve en définitive privé de toute dimension morale véritable. C’est le cas des socialistes qui raisonnent principalement à partir d’individus statistiques moyens qui n’existent pas. »
sur la soi-disante injustice de l'héritage:
« en privant de son gain, par exemple, le bénéficiaire d'un don, ne met-on pas en cause le droit du donateur de faire ce qu'il veut de ses ressources supposées légitimement acquises? »
Ce qui est dit sur la liberté, la chance et le principe de réciprocité est très intelligent.
J'aime beaucoup ce paragraphe notamment:
«
De quoi parlons-nous fondamentalement quand nous utilisons des mots tels que liberté (formelle, si l'on veut) ou droit de propriété sur soi-même? Ma réponse et probablement celle de nombreux libéraux (mais pas seulement) est que nous pensons à l'émotion que nous éprouvons lorsque l'on porte atteinte au droit que nous estimons avoir de choisir seuls nos propres actions ou règles d'action, autrement dit à notre autonomie au sens propre du terme. Il s'agit donc de notre désir fondamental d'être respecté par les autres en tant que sujet autonome, de ne pas être traité par eux comme un pur instrument ou une chose et que les particularités de notre personnalité ne soient pas négligées. Cela n'a rien à voir (même si c'en est une condition) avec l'envie de faire tout ce que l'on veut, de maximiser la satisfaction de ses désirs de toute nature. L'aspiration à la liberté n'est pas fondée essentiellement sur un appétit hédoniste de jouissance "sans entraves" (comme on disait en mai 68) ou de désir puéril de vivre au gré de ses fantaisies. Elle correspond avant tout à une revendication, pour ainsi dire, instinctive de dignité et d'intégrité. De ce point de vue le fait que ce qui constitue la personnalité d'un être soit largement le fruit du hasard ne peut être considéré comme un défaut sous prétexte qu'il peut se faire que certains aspects de cette personnalité soient productrices d'avantages matériels dont tout le monde ne jouit pas. Or la logique de l'argument selon lequel personne n'a droit aux revenus qui sont le résultat du hasard serait de conduire à la privation forcée, si elle était possible, de ces traits de personnalité pour les redistribuer aux autres. Le prélèvement par la contrainte fiscale des ressources dont la chance fait bénéficier certains n'est qu'une solution pratique de remplacement (une sorte de pis-aller) par rapport à l'"idéal" inaccessible de ce "lit de Procuste" - nouveau modèle - qui rendrait chaque individu non pas, certes, strictement identique à tout autre mais privé de tout ce qui lui confère éventuellement des avantages réputés indus. Or c'est bien ici que la liberté est mise en cause. Quand on en affirme la valeur en face d'une revendication égalitariste, ce que l'on exprime n'est pas essentiellement le désir de garder pour soi seul les revenus que l'on doit, entre autres choses, il est vrai, à la chance mais le sentiment que nombre des causes de cette "chance" sont indissociables de notre individualité, c'est-à-dire de ce qui fait que chacun de nous se distingue des autres, et que vouloir en réduire les effets par le biais de mesures coercitives est une atteinte à cette individualité. En ce sens le droit de propriété sur soi-même ne peut pas être limité, comme le soutient finalement van Parijs, aux caractéristiques productrices d'avantages matériels de l'individu moyen.
»
J'aime bien aussi la préface qui résume très bien ce qu'il y a de répugnant dans tout ce ramdam autour de l'AU:
« C’est aussi le cas de Rawls dont le principe qu’on ne saurait avoir aucun droit sur des ressources qui seraient le simple fruit du hasard conduit à ne prendre de sérieux dans l’homme que ce qui en fait le " clone " de tous les autres. »
J'en retiens notamment quelques réflexions intéressantes sur les conséquences de la mise en place d'un système d'AU (Allocation Universelle). Philippe van Parijs, chercheur intéressé par ce sujet, s'interroge notamment sur l'utilité de conserver un salaire minimum ou le droit de grève dans un système où les minimas sociaux sont de toute façon garantis par l'AU. Ça fait réfléchir...
Vrai, et j'avoue que je n'y avais même pas songé. Pour un peu, ça plaiderait presque en faveur de l'AU
Par contre dans les systèmes évoqués ci-dessus rien n'est dit sur la création monétaire, et c'est là que la TRM 2.0 et son Dividende Universel trouvait son originalité.
Perso j'ai tendance à penser qu'
in fine ça revient au même. Parce que si le DU permet d'acheter une bière, il faut que cette bière ait été brassée, acheminée jusqu'au bar, puis finalement servie. Il n'y a pas de magie. Ces efforts correspondent à une valeur. Qu'elle soit extorquée par l'impôt ou par la création monétaire, au final c'est toujours la même bière.