Auteur :
GazetaBitcoinTexte original :
Bitcoin: The dream of Cypherpunks, libertarians and crypto-anarchists
Sculpture représentant des Romains qui paient des taxes|| Source de la photo: historyhit.com
Les gouvernements oppriment les peuples depuis des siècles. L'une des premières formes d'oppression a vu le jour sous l'Empire romain, il y a 2000 ans. Beaucoup de temps a passé, mais cette pratique est restée. Les méthodes sont diverses : impôts directs, impôts indirects, inflation, censure de l'accès à l'information, mises en accusation, interdictions, esclavage, procès inéquitables, ou encore des collectes d'informations personnelles et l’utilisation de celles-ci contre des honnêtes gens. Cependant, toutes ces méthodes mènent au même objectif suprême : le pouvoir doit rester entre les mains des élites, tandis que les pauvres doivent travailler pour le bénéfice des élites. Les gens se sont battus, mais la plupart du temps se sans résultat positif. Cette bataille épique, qui dure depuis l'Antiquité, est très bien décrite par Murray Rothbard comme cela "
Le grand conflit qui oppose éternellement la Liberté et le Pouvoir".
L'un des moyens d'obtenir la liberté est la monnaie privée, mais les gouvernements ne sont pas d'accord avec une telle concurrence. Il faut dire que depuis l'Empire romain, les gouvernements ont le monopole de la frappe des pièces de monnaie. Cependant, le désir des gens de disposer d'une monnaie privée a commencé il y a des siècles et l'histoire nous apprend qu'à de nombreuses reprises, la monnaie privée a existé sous diverses formes.
L'illustre économiste et philosophe Friedrich August von Hayek, lauréat du prix Nobel d'économie en 1974, a soulevé un débat très légitime dans ce
chef-d’oeuvre Dénationalisation de la monnaie : L'argumentation affinée : "[…]ne peut s'empêcher de se demander pourquoi les peuples ont supporté si longtemps que les gouvernements exercent depuis deux mille ans un pouvoir exclusif régulièrement utilisé pour les exploiter et les escroquer.". Une autre figure emblématique qui a soutenu la nécessité de la monnaie privée est Murray Rothbard.
Entre 1700 et 1900, plusieurs pièces de monnaie privées ont circulé aux États-Unis. La première monnaie privée de l'histoire des États-Unis est la monnaie de cuivre Higley, frappée en 1737 par la famille Higley. Les pièces d'or Bechtler (émises pour la première fois en 1831), connues pour leur plus grande pureté que les pièces émises par l'État, étaient peut-être les plus populaires. La société Moffat&Co de San Francisco a également écrit une page d'histoire pendant la ruée vers l'or, avec ses pièces frappées. L'une des pièces les plus recherchées était le Brasher Doubloon, frappé par Ephraim Brasher en 1787. D'autres pièces privées notables sont à mentionner : Morgan Dollars, Saint-Gaudens Double Eagles, Barber Quarter. Bien sûr, le gouvernement n'était pas d'accord avec les monnaies privées, mais ce qui est certain, c'est qu'à différents moments, les monnaies privées ont existé. Ces pièces étaient utilisées à grande échelle, quels que soient les efforts déployés par les États pour les faire disparaître.
Libertarianisme et anarchismeMurray Rothbard || Source : fee.org
“Je définis la société anarchiste comme une société où il n'existe aucune possibilité légale d'agression coercitive contre la personne ou la propriété d'un individu.” -- Murray Rothbard
Les années ont passé et l'État a continué d’interdire l'argent privé par tous les moyens possibles. L'oppression s'est renforcée. Mais le désir de liberté du peuple s'est également renforcé. Par le passé, ils exprimaient ces idées à travers le prisme du
libéralisme, qui plus tard évolua en
libertarianisme. Les premières formes de libertarianisme sont apparues entre le 18
ème et le 19
ème siècles. Le libertarianisme moderne, né en 1950 a été conçu par des esprits, tels que Murray Rothbard, Milton Friedman ou Hayek. Selon Rothbard, "Le credo libertarien repose sur un axiome central : aucun homme ou groupe d'hommes ne peut agresser la personne ou les biens d'autrui. C'est ce que l'on peut appeler "l'axiome de non-agression""." "L'agression" est définie comme le déclenchement de l'utilisation ou de la menace de violence physique contre la personne ou les biens d'autrui. L'agression est donc synonyme d'invasion". En gros, on peut dire que le libertarianisme se focalise sur les droits individuels, la limitation de ceux du gouvernement, et la volonté d’un marché libre et de la paix.
L'un des aspects particuliers du libertarianisme est
l’anarchisme. Bien que ce mouvement soit plus radical, il est toujours orienté vers les individus. Fondamentalement, l'anarchisme promeut une société sans gouvernement, des individus libres, qui ne sont pas régis par des lois, mais par des accords libres. Le terme "anarchie" lui-même signifie "absence de gouvernement". Cependant, l'anarchisme ne doit pas être associé à la violence : il n'a jamais été question de violence et il ne le sera jamais. La théoricienne canadienne L. Susan Brown donne une excellente explication à ce sujet : "Alors que la conception populaire de l'anarchisme est celle d'un mouvement violent et antiétatique, l'anarchisme est une tradition beaucoup plus subtile et nuancée qu'une simple opposition au pouvoir gouvernemental. Les anarchistes s'opposent à l'idée que le pouvoir et la domination soient nécessaires à la société, et prônent au contraire des formes d'organisation sociale, anti-hiérarchiques et une politique et économique plus coopératives".
Guerres crypto T-shirts sur les munitions, selon la loi américaine, originellement créés par Adam Back|| Source de la photo: Twitter
"Si la vie privée est interdite, seuls les hors-la-loi auront une vie privée." -- Phil Zimmermann
Nous quittons les années 1950 pour entrer dans l'ère technologique : ARPANET, l'ancêtre d'Internet, naît en 1967 ; les microprocesseurs évoluent sur la base de
la loi de Moore; il y a eu le lancement des ordinateurs personnels (PC) en 1975 ; ainsi que le lancement du World Wide Web en 1989.
La cryptographie était en plein essor grâce à l’esprit brillant de Friedman. Mais tous ces développements technologiques n'étaient pas (encore) destinés au public : l'État venait de découvrir un nouveau moyen d'oppression, peut-être le plus dangereux : la surveillance. Il s'agit d'un processus continu d'intrusion dans la vie privée. Si un individu espionne son voisin par la fenêtre, il peut se retrouver devant un tribunal ; si le gouvernement espionne une nation entière, il n'y aura pas de problème. Si une personne normale essaie de trouver les transactions financières d'une autre personne, elle peut être poursuivie en justice ; si un État veut trouver
toutes les transactions financières de chaque individu, il n’y aura aucun problème.
La technologie a offert une arme formidable aux gouvernements et ceux-ci ont commencé à l'utiliser à plein régime, afin d'exercer un contrôle total, principalement par l'intermédiaire d'agences telles que la NSA. La soif permanente des gouvernements pour obtenir les informations des citoyens est devenue une soif concentrée sur le
big data : chaque individu est conditionné par des documents délivrés par le gouvernement. Vous ne pouvez pas accoucher sans une pièce d'identité délivrée par le gouvernement, vous ne pouvez pas vous marier sans une pièce d'identité délivrée par le gouvernement, vous ne pouvez pas mourir sans une pièce d'identité délivrée par le gouvernement, vous ne pouvez pas prouver votre identité sans une pièce d'identité délivrée par le gouvernement, vous ne pouvez pas accéder aux hôpitaux sans une pièce d'identité délivrée par le gouvernement, et ainsi de suite. Et toutes ces informations sont enregistrées dans des bases de données, qui sont contrôlées par diverses branches de l'État ; en fin de compte, elles sont contrôlées par l'État.
Pendant ces temps difficiles, en 1975, Whitfield Diffie
inventa la clé publique de cryptographie, apportant ce magnifique outil au grand public. Le gouvernement a réagi en proposant son aide pour "sécuriser" les clés privées des personnes. Cela ne s'est jamais produit et, à partir de ce moment
les guerres crypto ont démarré. En 1977 l’algorithme de chiffrement RSA a été inventé par Ron Rivest, Adi Shamir et Leonard Adleman; cet algorithme utilisa le principe de clé publique de cryptographie. La NSA a ensuite décidé d'interdire l'accès du public à l'invention de Diffie et l'exportation d'algorithmes de chiffrement en dehors des États-Unis. Le directeur de la NSA, Bobby Inman, s'est inquiété du fait que des personnes pouvaient accéder à une technologie de cryptage qui, jusqu'alors, n'était utilisée que par les agences. Un
article de 1993 écrit par Wired a partagé une adresse utilisée par Inman en 1979, prévenant que "la publication et les activités cryptographiques non-gouvernementales[...] posent des risques clairs pour la sécurité nationale". Les algorithmes de cryptage étaient considérés comme des informations classifiées et protégées par les réglementations fédérales, comme ITAR (International Traffic in Arms Regulations, 22 CFR 121-128). Les exporter était passible de 10 ans d'emprisonnement. En réponse, le public a imprimé quelques lignes du code RSA sur des t-shirts et l'agence a averti que le port de ce type de t-shirts lors d'un voyage en dehors des États-Unis ou leur exportation entraînerait une peine de prison pour les "contrevenants", ce type de t-shirts étant considéré comme des "munitions". Les personnes portant des tatouages avec l'algorithme RSA sont également considérées comme des délinquants. C'est peut-être la première fois que le gouvernement a eu peur de perdre le contrôle. Cette peur peut être vue dans le nom de l’adresse générée par Inman : "
Le ciel nous tombe dessus".
John Gilmore, un jeune homme courageux, protesta face à l’agence. Le même article de Wired le cite en soulignant : "Montrez-nous. Montrez au public comment votre capacité à violer la vie privée de n'importe quel citoyen a permis d'éviter une catastrophe majeure. Ils restreignent la liberté et la vie privée de tous les citoyens pour nous défendre contre un croquemitaine qu'ils ne nous montreront pas. La décision d'offrir littéralement notre vie privée doit être prise par l'ensemble de la société, et non unilatéralement par une agence d'espionnage militaire."
Cypherpunks et crypto-anarchie : "Des rebelles qui ont une cause à défendre"Couverture du magazine Wired ("Rebels With a Cause"), Mai/Juin 1993 || Source de la photo : Wired.com
"Je suis fasciné par la crypto-anarchie de Tim May. Contrairement aux communautés traditionnellement associées au mot "anarchie", dans une crypto-anarchie, le gouvernement n'est pas temporairement détruit mais définitivement interdit et définitivement inutile. C'est une communauté où la menace de la violence est impuissante parce que la violence est impossible, et la violence est impossible parce que ses participants ne peuvent pas être liés à leur vrai nom ou à leur emplacement physique." -- Wei Dai
Retournons en 1992. Un groupe de trois amateurs de code et de cryptographie, formé par
Timothy C. May, John Gilmore et
Erich Hughes, découvrent qu'ils ont tous une vision similaire de la surveillance et de la censure du gouvernement. Tous avaient des connaissances approfondies en informatique. May a travaillé comme scientifique en chef chez Intel, Gilmore a passé des années chez Sun Microsystems avant de créer sa propre entreprise, tandis que Hughes était un programmeur et un mathématicien. Ils ont commencé à se voir au bureau de Gilmore, dans la baie de San Francisco, pour essayer de trouver des moyens de protéger la vie privée des gens grâce à la cryptographie. Bientôt, une autre passionnée se joint à eux : le hacker Jude Milhon, également connu sous le nom de St. Jude. Elle trouva également un nom pour le groupe : en combinant les mots "cipher" (lié à la cryptographie) et "cyberpunk" (qui fait partie du genre science-fiction basé sur la réalité dystopique et l'anarchie), elle invente le nom "Cypherpunks".
Le groupe évolua et s’est agrandi. Pour garder le contact entre eux, ils ont lancé une liste de diffusion; les archives de ces emails peuvent être trouvée sur
Metzdowd.com et
Cypherpunks.venona.com. Au plus haut, il y avait jusqu’à 2000 inscrits.
L’idéologie des Cypherpunks a amené le libertarianisme et l’anarchisme à un quelque chose de nouveau :
la crypto-anarchie. "Un spectre hante le monde moderne, celui de la crypto-anarchie.", déclara Tim May en 1988, dans ce qui est devenu un chef-d'œuvre de la littérature Cypherpunk : "
Le Manifeste Crypto-Anarchiste".
"Les cypherpunks écrivent du code", souligna Eric Hughes, dans "
Un Manifeste Cypherpunk", une autre écrit qui représente un morceau d'histoire. Et par le biais du code, ils voulaient offrir une possibilité de vie privée. Ils voulaient que le public ait un accès libre à la cryptographie. Ils s'intéressaient également à l'anonymat en ligne, au partage sécurisé de fichiers, aux systèmes de réputation, au marché libre et à la désobéissance civile. Steven Levy, l'auteur de l'article de Wired mentionné ci-dessus, les a appelés avec un terme impossible à traduire dans une langue étrangère : "
techie-cum-civil libertarians".
Un autre grand désir des Cypherpunks était de créer de l'argent électronique. Une forme d'argent intraçable qui pourrait mettre fin à la surveillance de la vie financière des individus par le gouvernement.
Avec le temps, de nombreux enthousiastes partageant cette idéologie ont adhéré au groupe. Parmis les plus réputés, nous pouvons mentionner
Philip Zimmermann, inventeur de PGP,
Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, Jacob Appelbaum, le développeur de Tor et
Hal Finney, le développeur de PGP 2.0 et de Reusable Proof-of-Work (preuve de travail réutilisable). D’autres Cypherpunks remarquables peuvent être trouvés
ici.
DigiCashCertains de ces cryptographes ont commencé à travailler sur ce rêve qu'ils avaient : l'argent électronique. Et ils avaient un modèle à suivre: le DigiCash de Dr. David Chaum. Le travail de David Chaum était une source d’inspiration pour le groupe des Cypherpunks et on pourrait le qualifier de grand-père des Cypherpunks. Ses écrits (tels que "
Courrier électronique intraçable, adresses de retour et pseudonymes numériques", "
Signatures aveugles pour des paiements intraçables" ou "
Sécurité sans carte d'identification : les ordinateurs pour rendre Big Brother obsolète") ont prouvé qu'il était en avance sur son temps. En 1989, il avait déjà réussi à lancer la société de monnaie électronique DigiCash Inc. Cette société proposait au public le système de paiement eCash et les pièces CyberBucks, qui reposaient sur des signatures aveugles. La proposition a été appliquée à des paiements réels et adoptée par plusieurs banques, telles que la Mark Twain Bank de St. Louis, la Deutsche Bank, le Crédit Suisse, la Norske Bank et la Bank Austria. D'autres grands acteurs se sont intéressés à la création de Chaum : Visa, Netscape, ABN Amro Bank, CitiBank et ING Bank. Même Bill Gates a essayé d'intégrer DigiCash dans Windows 95. Malheureusement, ces derniers acteurs n'ont jamais signé de contrat avec Chaum. Finalement, en 1998, DigiCash Inc. a fait faillite. Les gens n'étaient pas attirés par le système. La proposition de Chaum était trop en avance sur son temps.
Les Cypherpunks pensaient également que l'échec de DigiCash Inc. était dû au fait qu'il reposait sur une autorité centrale..
La clé du succès était une forme d’argent totalement décentralisée.e-GoldUne activité similaire a été développée entre 1996 et 2009 par la société Gold & Silver Reserve, Inc. Cette société a créé une filiale appelée e-gold Ltd. pour gérer de l'or électronique. Les utilisateurs pouvaient transférer de l'or à distance entre eux, en grammes ou en onces troy. L'activité est florissante, avec un pic de 5 millions d'utilisateurs. De nombreuses bourses ont adopté cet or électronique et les utilisateurs pouvaient également le transférer par l'intermédiaire de leur téléphone. Cependant, en 2007, les propriétaires ont été accusés par le gouvernement américain d'exploiter de l'argent sans licence. Les propriétaires ont plaidé coupable et ont été reconnus coupables (en 2008) ; les bourses ont été fermées. En admettant qu'ils ont enfreint la loi et qu'ils avaient besoin d'une licence pour opérer de l'argent, ils ont bénéficié d'un allègement des charges qui pesaient sur eux. Cependant, selon la loi américaine, comme ils ont été reconnus coupables, ils n'ont pas été autorisés à obtenir une telle licence et e-Gold a cessé d'exister.
HashCashSource de l’image : liste de diffusion des Cypherpunks
En 1997,
Dr. Adam Back arriva dans la liste de diffusion avec une
proposition appelée
HashCash. C'était l'époque où les spams sur internet (en particulier les spams de courrier électronique) commençaient à poser un sérieux problème. Le problème a été porté à l'attention des grandes entreprises, et une première mesure a été prise en 1992 par IBM, avec une proposition nommée
Tarification via le traitement ou la lutte contre le courrier indésirable. La proposition des chercheurs d’IBM sera connue dans un futur proche comme
preuve de travail (Proof-of-work).
L'invention d'Adam Back n'était pas basée sur la proposition d'IBM, mais elle avait de nombreux points communs. Le concept de HashCash supposait une procédure de preuve de travail pour limiter les spams et les attaques DDos, basée sur le coût de chaque email qui, au final, rendrait le spam trop coûteux pour être utilisé. Plus tard, HashCash deviendra une partie du moteur de Bitcoin, étant également mentionné dans le livre blanc de Bitcoin.
Par ailleurs, Adam Back reste connu pour être celui qui a mis Satoshi Nakamoto en contact avec Wei Dai, après avoir trouvé des similitudes entre leurs propositions de monnaie électronique. Il n'y a que deux personnes contactées personnellement par Satoshi au sujet de Bitcoin : la première est Adam Back, la seconde Wei Dai.
b-moneyRare photographie de Wei Dai, qui pourrait (ou pas) le représenter; selon sa déclaration : WeiDai.com, "Veuillez noter qu'à ce jour, toutes les prétendues photos de moi sur Internet sont en fait celles d'autres personnes nommées Wei Dai." || Image source: steemit.com En 1998, un autre remarquable Cypherpunk arriva avec une proposition de monnaie électronique :
Wei Dai qui présenta
b-money. Le projet était également basé sur la preuve de travail et a été présenté en deux versions. Malheureusement, b-money était vulnérable aux attaques de Sybil et Wei Dai n'a pas terminé son travail. La proposition n'a jamais été mise en œuvre.
Il n'a jamais terminé son invention parce qu'il n'avait plus confiance dans l'utilité de b-money ni dans l'idéologie de la crypto-anarchie. Dans une discussion ultérieure sur le forum LessWrong, il
a admis : "Je n'ai pas avancé pour coder b-money. C'est en partie parce que b-money n'était pas encore une conception pratique complète, mais
je n'ai pas continué à travailler sur le design parce que j'étais devenu quelque peu désillusionné sur la cryptoanarchie au moment où j'ai fini d'écrire b-money,
et je n'avais pas prévu qu'un tel système, une fois mis en œuvre, attirerait autant d'attention et serait utilisé au-delà d'un petit groupe de cypherpunks". Cette déclaration a été réitérée dans une
discussionqu'il a envoyé à Adam Back et aux autres Cypherpunks, prouvant qu'il ne croyait pas à une application pratique de b-money : "Je pense que b-money sera tout au plus une monnaie de niche/un mécanisme d'exécution des contrats, au service de ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas utiliser les monnaies sponsorisées par le gouvernement.".
Cependant, bien que Wei Dai n’a pas réellement cru en son invention, quelqu’un d’autre y a cru. Une décennie plus tard, suivant les conseils de Adam Back, Satoshi Nakamoto le contacte dans le but de lui demander de jeter un œil sur sa proposition de monnaie électronique nommée
Bitcoin. Ils ont échangé
trois emails. Dans le premier, datant du 22 août 2008, Satoshi a écrit :
"J'ai été très intéressé par la lecture de votre page sur b-money. Je m'apprête à publier un document qui développe vos idées pour en faire un système complet et fonctionnel. Adam Back (hashcash.org) a remarqué des similitudes entre nos projets et m'a dirigé vers votre site.
J’ai besoin de trouver l’année de publication de votre projet b-money pour une citation dans mon document. Cela ressemblera à quelque chose comme ça : [1] W. Dai, "b-money,"
http://www.weidai.com/bmoney.txt, (2006?).
Vous pouvez télécharger une version préliminaire à l'adresse suivante
http://www.upload.ae/file/6157/ecash-pdf.html. N'hésitez pas à le transmettre à toute personne que vous pensez être intéressée."
Wei Dai a répondu à cet email. Il a écrit :
"Bonjour Satoshi. b-money a été annoncée dans la liste de diffusion des cypherpunks en 1998. Voici l’archive de ce post :
http://cypherpunks.venona.com/date/1998/11/msg00941.htmlIl y a quelques discussions à ce sujet ici :
http://cypherpunks.venona.com/date/1998/12/msg00194.html.
Merci de m’avoir informé à propos de votre document. Je vais le lire et vous ferai savoir si j’ai des commentaires ou des questions."
Mais Wei Dai n’a pas analysé le brouillon de Satoshi et n’est jamais revenu vers lui pour lui répondre. Il a reçu le 10 janvier 2009 un autre email de Satoshi, l’informant que Bitcoin était parfaitement fonctionnel :
"Je voulais vous faire savoir que je viens juste de publier la mise en œuvre complète du document que je vous ai envoyé il y a quelques mois, Bitcoin v0.1. Détails, téléchargement et captures d’écran disponibles sur
www.bitcoin.orgJe pense que cela devrait atteindre presque tous les objectifs de votre b-money.
Le système est entièrement décentralisé, sans serveur ni parties de confiance impliquées. L'infrastructure du réseau peut prendre en charge une gamme complète de transactions et de contrats de dépôt fiduciaire, mais pour l'instant, l'accent est mis sur les principes de base de l'argent et des transactions."
Wei Dai ne garda pas contact avec Satoshi pour des raisons que seul lui peut connaître. Peut-être n'avait-il pas confiance dans le potentiel du Bitcoin ou n'était-il pas d'accord avec une monnaie sans valeur stable. Ce qui est certain, c’est que des années après, il
regretta son acte :
"Je considère que Bitcoin a échoué en ce qui concerne sa politique monétaire (parce que cette politique entraîne une forte volatilité des prix qui impose un coût élevé à ses utilisateurs, qui doivent soit prendre des risques indésirables, soit s'engager dans des opérations de couverture coûteuses pour pouvoir utiliser cette monnaie). (C'est peut-être en partie ma faute, car lorsque Satoshi m'a écrit pour me demander des commentaires sur son projet d'article, je ne lui ai jamais répondu. Sinon, j'aurais peut-être pu le (ou les) dissuader de l'idée d'une "offre fixe de monnaie".)"
Sans le savoir à l'époque, Wei Dai restera dans l'histoire comme l'une des deux personnes contactées personnellement par Satoshi Nakamoto avant le lancement de Bitcoin.
Bit GoldNick Szabo est un autre cypherpunk de premier plan qui a tenté de trouver une solution pour une forme privée de monnaie électronique. Il était familiarisé avec l'idée, ayant travaillé dans le passé avec le Dr Chaum sur DigiCash. En 2005, il a rendu publique une proposition appelée Bit Gold, mais il a travaillé sur cette proposition dès 1998. Selon le
white paper, son invention était supposée "utiliser des fonctions de référence, ainsi que des techniques de cryptographie et de réplication, pour construire un nouveau système financier,
bit gold, qui sert non seulement de système de paiement, mais aussi de réserve de valeur à long terme indépendante de toute autorité de confiance". Vous pouvez trouver plus de détails à ce sujet sur le
blog de Szabo.
Bit Gold utilisait une preuve de travail réutilisable, mais il était également vulnérable aux attaques Sybil, tout comme b-money. Le concept n'a jamais été lancé en tant qu'application réelle et est resté dans les mémoires comme un post de blog, car il se heurtait à trop de difficultés techniques pour fonctionner dans un environnement réel. Cependant, les idées de base de Bit Gold ont encore plus inspiré Satoshi pour son chef-d'œuvre - Bitcoin.
Satoshi, le dernier (?) CypherpunkThe Times, le 3 janvier 2009, édition de Londres, tirage du matin || Source de l'image : TheTimes03Jan2009.com
"Le problème fondamental des monnaies conventionnelles réside dans la confiance qu'elles requièrent pour fonctionner. Il faut faire confiance à la banque centrale pour qu'elle ne dévalorise pas la monnaie, mais l'histoire des monnaies fiduciaires est pleine d'abus de confiance. Il faut faire confiance aux banques pour détenir notre argent et le transférer électroniquement, mais elles le prêtent dans des vagues de bulles de crédit avec à peine une fraction en réserve. Nous devons leur faire confiance en ce qui concerne notre vie privée, leur faire confiance pour ne pas laisser des voleurs d'identité vider nos comptes." -- Satoshi Nakamoto
Imaginons
Satoshi Nakamoto le matin du 3 janvier 2009. Il vient d'acheter le journal The Times au kiosque du rez-de-chaussée. De retour chez lui, il boit un café chaud et lit le titre principal : "
La chancelière est sur le point d'accorder un second renflouement aux banques". Toujours dans l’attente que le genesis block soit trouvé. Quelles sont ses pensées ? Il s’est peut-être dit "Là c’est trop ! Le gouverneur a franchi toutes les limites possibles ! Mais le bitcoin est là maintenant...".
Personne ne sait ce qu'il pouvait penser à l'époque. Mais ce qui est certain, c’est qu’en ce 3 janvier 2009, le Block Genesis Bitcoin a été miné. Et estampillé du titre de l'article principal du Times.
Le travail sur le Bitcoin a commencé presque 2 ans auparavant, en 2007. Satoshi, qui a également rejoint la liste de diffusion des Cypherpunks, a dû assister à ce qui est arrivé à e-Gold et à ses propriétaires. L'État était clair sur ses intentions concernant les formes privées d'argent. Le contexte économique et politique étaient mauvais, le monde étant confronté à une énorme crise financière. Le Bitcoin était peut-être un rêve personnel de Satoshi. Ou peut-être que le contexte mondial l'a poussé à travailler sur son invention. Quoi qu'il en soit, le fait est qu'il a suivi le rêve des Cypherpunks, un rêve également partagé par leurs ancêtres libertaires.
S'appuyant sur une idéologie libertaire et crypto-anarchiste, suivant les concepts de ses prédécesseurs, Satoshi Nakamoto a réussi à
créer "un nouveau système d'argent électronique entièrement de pair à pair, sans tiers de confiance". Ce système "permettrait aux paiements en ligne d'être envoyés directement d'une partie à l'autre sans avoir à passer par une institution financière. Les signatures numériques constituent une partie de la solution, mais les principaux avantages sont perdus si une partie de confiance est toujours nécessaire pour éviter la double dépense."
En d'autres termes, Bitcoin a été la première forme électronique d'argent privé, qui a pu enfin libérer les gens de la surveillance du gouvernement, puisque les fonds pouvaient être transférés directement entre les individus, sans l'intervention d'une tierce partie - comme les banques, qui agissent comme les bras armés du gouvernement.
Block genesis de Bitcoin|| Source de l’image : Reddit
Le libertarianisme de Satoshi est présent dans beaucoup de ses phrases.
“Le modèle bancaire traditionnel atteint un certain niveau de confidentialité en limitant l'accès à l'information aux parties concernées et aux tiers de confiance. La nécessité d'annoncer publiquement toutes les transactions exclut cette méthode, mais la confidentialité peut encore être maintenue en interrompant le flux d'informations à un autre endroit : en gardant les clés publiques anonymes. Le public peut voir que quelqu'un envoie un montant à quelqu'un d'autre, mais sans information permettant de relier la transaction à qui que ce soit. Ceci est similaire au niveau d'information diffusé par les bourses, où le temps et la taille des transactions individuelles sont indiqués, la ‘bande’, est publique, mais sans dire qui sont les parties impliquées.”
Un autre bon exemple à ce sujet nous a été donné dans un
article de 2015 écrit par The Verge, décrit ses premières discussions avec Martti Malmi, qui deviendra plus tard
administrateur de BitcoinTalk. Martti est aussi un individu avec des principes anarchistes, il était en effet membre du défunt forum anti-state.org. Voici ce que nous dit l’article :
"Dans son premier email à Satoshi Nakamoto, en mai 2009, Martti avait proposé ses services : "J'aimerais aider avec Bitcoin, s'il y a quelque chose que je peux faire", écrivait-il.
Avant de contacter Satoshi, Martti avait écrit sur Bitcoin sur anti-state.org, un forum consacré à la possibilité d'une société anarchiste organisée uniquement par le marché. Sous le pseudonyme Trickster, Martti a décrit brièvement l'idée du bitcoin et a demandé des commentaires : "Qu'en pensez-vous ? Je suis très enthousiaste à l'idée de quelque chose de pratique qui pourrait vraiment nous rapprocher de la liberté au cours de notre vie :-)".
Martti a inclus un lien vers ce billet dans son premier courriel à Satoshi, et Satoshi l'a rapidement lu et lui a répondu.
"
Votre compréhension du bitcoin est parfaite,"a répondu Satoshi."
Ce qui suit montre les premiers signes du développement de Bitcoin (
n.b. -- merci à cygan pour cette partie!) -- 5 emails échangés entre Satoshi et Adam Back. Si l'on en croit ces 5 e-mails (et il n'y a aucun moyen de le faire facilement), il y a eu des contacts entre Satoshi Nakamoto et Adam Back depuis août 2008, lorsque Satoshi a demandé à Adam son avis sur le livre blanc. Avec ces 5 documents importants, nous pouvons une fois de plus cartographier une certaine période de temps et nous rendre compte que Satoshi a été en contact avec certains Cypherphunks.
La réponse de Satoshi est claire comme du cristal au sujet de sa vision.
Cette leçon ne devrait jamais être oubliée.Il en va de même lorsqu'il s'agit de partager les points d'intérêt des Cypherpunks : il a donné aux gens un accès libre à Bitcoin, à la confidentialité offerte par Bitcoin. Il a donné aux gens un accès libre à Bitcoin, à la vie privée offerte par Bitcoin, un accès libre et une facilité d'utilisation des clés cryptographiques utilisées par son protocole. Bitcoin était censé (et a réussi) à changer complètement le marché libre. En fin de compte, il s'agissait d'une forme de désobéissance civile. Une méthode pour prendre position face à l'argent du gouvernement - l'argent traçable, subissant l'inflation, l'argent qui perd chaque jour de sa valeur, puisque les imprimeurs du gouvernement émettent constamment de la nouvelle monnaie.
Il voulait aider les gens à retrouver leur liberté. Et cela était possible grâce à Bitcoin. Aucune banque ni aucun gouvernement ne pouvait plus "traire" les gens de leur argent avec des mécanismes plus ou moins sophistiqués, tels que des taxes sur les transferts de fonds, des taxes sur la vente de leurs produits, des taxes sur la vente de leur force de travail.
Le bitcoin est libre pour tous et la liberté réside en lui-même ; si vous voulez contrôler votre vie privée et vos finances, tout ce que vous avez à faire est de l'adopter.Le bitcoin était prévu depuis de nombreuses années, à de multiples occasions, par Tim May. Par exemple, dans son
essai de 1994
Crypto-Anarchie et Communautés virtuelles, il écrit : "La technologie a fait sortir le génie de la bouteille. La crypto-anarchie libère les individus de la coercition de leurs voisins physiques — qui ne peuvent pas savoir qui ils sont sur le Net — et de la part des gouvernements. Pour les libertariens, la cryptographie forte est le moyen d'éviter les gouvernements.".
Le bitcoin est réel et il est là pour durer. Le ciel a commencé à tomber en 1979 et n'a cessé de tomber depuis. Le gouvernement a perdu la guerre. La liberté est entre nos mains.
Ceci est mon 1000ème post.
Et c'est une suite de mes écrits précédents liés aux Cypherpunks, à l'histoire et à la crypto-anarchie. L'esprit des Cypherpunks vit à travers beaucoup d'entre nous. Il est de notre devoir de le faire vivre.
Il est de notre devoir de continuer à lutter pour la liberté !Références:
-
12 ans après, les gens ne savent toujours pas utiliser Bitcoin ni à quoi il sert-
Les gouvernements s'en prennent aux traders !-
Cryptomonnaies vs monnaies numériques émises par l'État-
Le Manifeste Crypto-anarchiste - Nous devrions tous le lire-
Les élites tentent de limiter l'accès à l'info et à la liberté depuis toujours-
Les pensées de Phil Zimmermann au sujet de PGP - Nous devrions tous les lire-
Quand le gouvernement veut détenir vos clés privées-
L'appel pour Julian Assange || Le Manifeste de WikiLeaks - Nous devrions le lire