Parler des extrêmes me semblent en effet peu intéressant (le problème c'est qu'ils fascinent). Revenons à Nash c'est parlant dans l'exemple que tu décris des 10 personnes malades vs le choix de l'entreprise.
Tu sais je dis ceci régulièrement: aucun milliardaire ne souhaite vivre dans un monde aride et où il faut enjamber des corps en putréfaction. Ils préféreront toujours favoriser la prospérité. Vendre 6x20k€ sera certainement plus profitable à terme car 6 survivants sur 4 seront plus utiles in fine. Et puis aujourd'hui on vit tous mieux que des milliardaires il y a 1 siècle et demi. C'est tout bénéf même pour les "riches".
Alors pour moi il y a des raccourcis importants:
1/ Un milliardaire n'a pas besoin de s'assurer que le système permette le bonheur et l'épanouissement de tous, simplement qu'il puisse vivre sans souffrir lui-même de ces malheurs. Il est parfaitement acceptable que le monde entier crève de faim de maladie et de guerre s'il est lui-même assuré de ne point en souffrir et de pouvoir ignorer ces malheurs, même s'il en était directement responsable.
2/ Un milliardaire qui souhaiterait tout de même assurer un système maximisant le bonheur de tous doit également passer un dilemme du prisonnier version géante. S'il y a 2153 milliardaires dans le monde, ils se retrouvent tous fasse à un choix simple: si j'agis je suis sûr de perdre, et si je suis le seul à agir je perds même beaucoup en vain. Si les autres agissent et que je ne fais rien je gagne beaucoup. Et on a assez étudié le dilemme du prisonnier pour savoir que malheureusement le choix est rarement le plus intelligent...
3/ On a aujourd'hui de très nombreux exemples de gens très riches, sachant pertinemment qu'ils causent énormément de souffrance parfaitement évitable pour un coût très faible au regard de leur richesse mais refusant tout de même de payer ce coût. Un iphone coûte 290$ à produire, dont 30$ de main d'oeuvre, pour une vente à 750$. S'assurer que seuls des adultes travaillent dans leurs usines et soient payer décemment reviendrait à doubler à peu près le coût de la main d'oeuvre. Cela voudrait dire perdre 30$ de bénéfice sur 460$ donc même pas 7% de perte de profit. Pourtant ils ne le font pas.
Tu confonds donc ici bien l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Tout le propos de Nash est de démontrer que les deux ne sont pas liés par une formule de maximalisation, hors c'est bien ce qu'induit le capitalisme.
Et je pense qu'on a constamment évolué dans ce sens, sinon on ne pourrait expliquer pourquoi chaque année est probablement la meilleure pour la condition humaine (globale).
Tu as le droit de le penser mais un argument simple permet de l'expliquer: chaque année est meilleure pour la condition humaine globalement parce que de nombreux pays sont encore dans cette phase initiale où la croissance est assez forte pour que la maximisation des intérêts individuels conduisent si ce n'est à la maximisation de l'intérêt collectif, en tout cas au moins à une augmentation de celui-ci.
Cette amélioration globale cache une disparité forte entre pays développés et pays en développement.
Je suis d'accord avec toi pour m'opposer aux extrémistes libertarien de droite (car il y a des libertariens modérés "de gauche" très très intéressants genre Gaspar Koenig) qui auront préféré la solution 4*100K€ par manque de vision. Même si bien expliqué ils préféreront la solution 6*20k.
Ce n'est pas qu'une question de vision, c'est fondamentalement erroné de penser qu'il s'agit de "comment on voit les choses".
Dire qu'il s'agit de vision sous-entendrait qu'avec suffisamment d'explications, de pédagogie, d'éducation, on peut pousser les gens, dans un système capitaliste, à choisir la solution 10*20k.
Hors c'est faux, car l'individu, peu importe sa condition, doit se comporter en fonction de son environnement. Hors, si toute la société affirme dans sa construction même "l'important n'est pas la morale, mais la maximisation de votre capital" un individu NE PEUT PAS faire peser sa moral dans un choix financier.
C'est pour ça que le capitalisme est inhumain. Parce qu'étant fondamentalement amoral, il transforme les systèmes et les environnements pour ne plus inclure la morale lors d'un choix. C'est pour moi, une situation parfaitement inacceptable et contraire à ma philosophie utilitariste. Car la morale a une utilité essentielle dans la régulation d'une société.